Des succès en matière d’intégration régionale malgré les défis émergents — Enjeux mondiaux


Avis par Kingsley Ighobor (Les Nations Unies)Mardi 6 août 2024Inter Press Service

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a été fondée en 1975 pour promouvoir l’intégration économique dans la région. Quarante-neuf ans plus tard, le bloc régional peut se targuer d’avoir réalisé des progrès considérables en matière d’intégration, de paix, de sécurité et de bonne gouvernance, mais il doit également relever certains défis.

Le Commissaire aux Affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la CEDEAO, l’Ambassadeur Abdel-Fatau Musah, a participé à un événement de haut niveau au siège de l’ONU à New York en juin 2024, axé sur l’unité régionale, la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest.

Dans une interview accordée à Kingsley Ighobor à l’issue de l’événement, l’ambassadeur Musah, s’exprimant au nom de la CEDEAO, a souligné les réalisations et les défis de l’organisation, ainsi que les efforts en cours pour renforcer l’intégration. Voici des extraits de l’interview.

Ambassadeur Abdel-Fatau Musah, Commissaire aux Affaires politiques, à la paix et à la sécurité de la CEDEAOLa CEDEAO a été fondée le 28 mai 1975. Quelles sont ses réalisations jusqu’à présent ?

Les réalisations de la CEDEAO au cours des 49 dernières années peuvent être résumées en un point clé : nous sommes passés de la création d’une organisation à la construction d’une communauté.

La CEDEAO a été créée au plus fort de la guerre froide. Le seul domaine dans lequel les peuples pouvaient se rassembler et trouver un terrain d’entente était l’intégration économique, et non politique ou idéologique.

Le protocole sur la libre circulation des personnes, des biens et des services (1976) accorde aux citoyens le droit de séjourner dans n’importe quel État membre et constitue depuis des années la carte de visite de la CEDEAO. C’est une avancée majeure que les habitants de l’Afrique de l’Ouest n’aient plus à se soucier d’un visa lorsqu’ils traversent les frontières de la région.

L’Afrique a connu de nombreux bouleversements après la guerre froide. Sans la CEDEAO, toute la région aurait pu être engloutie dans des guerres fratricides. Si vous vous souvenez, une guerre a éclaté au Liberia vers la fin de 1989 et s’est poursuivie tout au long des années 1990, s’étendant à la Sierra Leone et affectant la Guinée et la Côte d’Ivoire.

La région peut être fière de beaucoup de choses, notamment du fait que la CEDEAO est désormais une marque de fabrique, un pionnier de l’intégration régionale sur le continent.

R : La CEDEAO est intervenue par l’intermédiaire de ses forces armées multilatérales, le Groupe de surveillance du cessez-le-feu de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (ECOMOG), qui a stabilisé la situation et a finalement permis un atterrissage en douceur pour les soldats de la paix des Nations Unies qui sont intervenus par la suite.

Sur l’intégration économique ?

En matière d’intégration économique, nous pouvons parler de nombreuses réalisations. Il ne s’agit pas seulement de la libre circulation des personnes, mais aussi de la création d’un marché commun pour la région. Il s’agit d’aider les pays à développer leurs infrastructures – énergie, connectivité Internet et construction de réseaux routiers dans toute la région.

Cette évolution est en cours. Cependant, tirant les leçons des tristes événements des années 1990, caractérisées par des guerres civiles et l’implosion des États, la CEDEAO n’a eu d’autre choix que de se réorienter vers les questions de sécurité et de bonne gouvernance.

Aujourd’hui, les valeurs de démocratie et de droits de l’homme sont profondément ancrées dans la culture ouest-africaine, et la CEDEAO fait partie intégrante de ce processus. L’Afrique de l’Ouest est la seule région du continent qui ne connaît pas de conflit ouvert de haute intensité, malgré les activités de groupes extrémistes violents.

La région peut être fière de bien des choses, notamment du fait que la CEDEAO est aujourd’hui une marque de fabrique, un pionnier de l’intégration régionale sur le continent. Elle a jeté les bases des cadres de l’Union africaine.

La CEDEAO est passée d’un bloc économique à une union économique et politique. Est-ce exact ?

Oui c’est le cas.

Certains membres de la CEDEAO ont indiqué leur intention de se retirer du groupe. Des efforts sont-ils faits pour garantir leur maintien ?

La CEDEAO est une communauté. Nous sommes solidaires. Nous avons peut-être des difficultés ou des divergences, mais se retirer n’est pas la solution. Les pays qui envisagent de se retirer parlent de leurs ambitions panafricaines et d’autres choses, mais la base du panafricanisme est l’intégration. Étant donné que la désintégration ne favorisera pas le panafricanisme, nous faisons tout ce que nous pouvons pour qu’ils restent dans le giron de l’Union.

Il est toutefois important de noter qu’un pays ne peut pas décider du jour au lendemain de se retirer de la CEDEAO. Il existe des procédures à suivre, conformément à l’article 91 du Traité de la CEDEAO.

Plusieurs engagements diplomatiques se déroulent en coulisses pour réunifier le bloc de la CEDEAO.

Qu’est-ce qui vous donne l’espoir que ces efforts réussiront ?

Ce qui nous donne de l’espoir, c’est que la CEDEAO a tenu son sommet extraordinaire en février 2024 et a levé les lourdes sanctions contre le Niger, et nous l’avons encouragé à revenir dans la Communauté. Nous espérons qu’il comprendra que les avantages d’être ensemble l’emportent largement sur les inconvénients.

En parlant d’avantages, quelles autres incitations offrez-vous à ces pays pour les encourager à maintenir leur adhésion ?

J’ai parlé plus tôt de la libre circulation des personnes, des biens et des services au sein de la CEDEAO. Environ 10 millions de citoyens de ces pays sont répartis dans la région. À l’heure actuelle, 4,5 millions de citoyens burkinabés vivent en Côte d’Ivoire. Si les Burkinabés se retirent de la CEDEAO, le statut de leurs citoyens changera radicalement. Ils devront régulariser leur séjour et ceux qui ne le pourront pas devront retourner dans leur pays.

Nous parlons de libéralisation du commerce. Le commerce intra-africain ne représente qu’environ 15 %. Au sein de la CEDEAO, les exportations de ces trois pays vers d’autres régions de l’Afrique de l’Ouest ne dépassent pas 17 %. La CEDEAO reçoit de ces pays des produits carnés, des légumes, etc., alors qu’elle reçoit de l’énergie et de nombreux produits manufacturés des autres pays, pratiquement sans droits de douane.

Les valeurs de démocratie et de droits de l’homme sont profondément ancrées dans la culture ouest-africaine, et la CEDEAO fait partie intégrante de ce processus.

Il ne faut pas oublier que ces trois pays sont enclavés. Ils auront besoin de débouchés maritimes, qui leur sont aujourd’hui offerts dans des conditions très favorables dans le cadre de l’intégration régionale. S’ils se retirent, ils devront trouver d’autres débouchés ou payer des frais de transport et des tarifs plus élevés. Cela leur demandera beaucoup de temps et de ressources.

Nous nous intéressons également à la solidarité communautaire, qui est une évidence pour les populations. En effet, les trois pays consomment ensemble plus de 52 % des réserves alimentaires stratégiques de la CEDEAO, soit environ 15 000 tonnes de nourriture. Les pays enclavés ou ravagés par des sécheresses cycliques ont besoin de ce soutien.

Enfin, le moyen le plus efficace de lutter contre l’extrémisme violent est de partager les renseignements et de coopérer militairement au-delà des frontières. S’ils se séparent de nous, comment peuvent-ils lutter efficacement contre les extrémistes violents ? Nous avons besoin qu’ils reviennent dans la famille et j’espère qu’ils reviendront sur leur décision.

Leur retrait pourrait-il avoir des conséquences sur la réputation de la CEDEAO ?

Un retrait ne serait bon ni pour eux ni pour la CEDEAO car, dans la diplomatie internationale d’aujourd’hui, la force réside dans le nombre. Si nous restons 15 États membres, notre influence dans la diplomatie internationale sera plus grande. S’ils partent, la CEDEAO sera affaiblie. C’est un point que nous devons prendre en compte.

N’oubliez pas que la CEDEAO est une organisation de solidarité. Si vous cherchez à obtenir un poste dans une organisation internationale comme l’ONU ou d’autres, la CEDEAO se rassemble et soutient un candidat. Par souci de solidarité, nous soutiendrons ceux qui sont au sein de la communauté.

Sur le plan diplomatique, sécuritaire et politique, cette situation est mauvaise pour les deux parties. Mais dans l’ensemble, elle ne joue pas en leur faveur.

Source : Afrique Renouveau, un magazine numérique des Nations Unies qui couvre l’évolution économique, sociale et politique de l’Afrique, ainsi que les défis auxquels le continent est confronté et les solutions que les Africains eux-mêmes apportent à ces défis, notamment avec le soutien des Nations Unies et de la communauté internationale.

Bureau de l’IPS pour les Nations Unies

Suivez @IPSNewsUNBureau
Suivez IPS News Bureau des Nations Unies sur Instagram

© Inter Press Service (2024) — Tous droits réservésSource originale : Inter Press Service

Et ensuite ?

Dernières nouvelles

Lisez les dernières nouvelles :

La CEDEAO fête ses 49 ans : des succès en matière d’intégration régionale, malgré les défis émergents Mardi 6 août 2024Les pêcheuses chiliennes cherchent à se faire connaître et à échapper à la vulnérabilité Lundi 5 août 2024Sommet de l’avenir de l’ONU Lundi 5 août 2024Le conseiller spécial de l’ONU exhorte les États à demander des comptes aux auteurs de génocide Lundi 5 août 2024La répression des manifestations en Iran cible de manière disproportionnée les minorités, selon des experts de l’ONU Lundi 5 août 2024Neuf employés de l’UNRWA seront licenciés pour leur rôle potentiel dans les attaques du 7 octobre contre Israël Lundi 5 août 2024Israël : des experts des droits de l’homme appellent à la fin de l’impunité face aux informations faisant état de tortures dans les prisons Lundi 5 août 2024Bangladesh : l’ONU surveille la crise de « très près » alors que le Premier ministre démissionne et fuit le pays Lundi 5 août 2024Première médaille historique pour l’équipe olympique des réfugiés Lundi 5 août 2024Moyen-Orient : la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme met en garde contre une guerre plus large et appelle à une désescalade urgente Lundi 5 août 2024

Lien vers cette page depuis votre site/blog

Ajoutez le code HTML suivant à votre page :

La CEDEAO à 49 ans : des succès dans l’intégration régionale, malgré les défis émergents, Inter Press Service, mardi 6 août 2024 (publié par Global Issues)

… pour produire ceci :

La CEDEAO à 49 ans : Des succès en matière d’intégration régionale, malgré les défis émergents, Inter Press Service, mardi 6 août 2024 (publié par Global Issues)



Source link